Le dialogue grâce aux cartes
©CTA/Giacomo Rambaldi

COMMUNICATION ET PARTAGE DES CONNAISSANCES

Le dialogue grâce aux cartes

La construction de véritables maquettes en trois dimensions dans les villages contribue à réunir le savoir traditionnel et les connaissances scientifiques modernes pour relever des défis allant de la dégradation des sols à la gestion des forêts, en passant par l’adaptation au changement climatique. Le Pouvoir des cartes - Quand la 3D s'invite à la table des négociations, publié par le CTA, fait le point sur cette technique qui permet à de nombreuses communautés rurales à travers le monde de mieux préserver leurs ressources naturelles et de communiquer plus efficacement avec les décideurs politiques.

Développée au début des années 1990 en Asie du Sud-Est, la modélisation participative en trois dimensions (MP3D) gagne rapidement du terrain dans d’autres régions du monde en développement. Les modèles participatifs en 3D, fabriqués en carton et illustrés à l’aide de peintures de couleur, de punaises et de fil, représentent la couverture végétale – par exemple les zones cultivées, les zones humides et les forêts –, ainsi que d’autres caractéristiques, comme les ressources côtières et la profondeur des mers. Les maquettes témoignent aussi des connaissances traditionnelles en indiquant les lieux sacrés et les terres soumises au droit coutumier. Ces éléments sont généralement fournis par les aînés de la communauté, tandis que les plus jeunes élaborent la carte elle-même. Le résultat est une maquette en relief, qui constitue un outil efficace d’analyse, de prise de décision et de plaidoyer.

« Le savoir sur les ressources terrestres, forestières et aquatiques accumulé au fil du temps et transmis de génération en génération représente un atout majeur pour les populations rurales », affirme le Directeur du CTA, Michael Hailu. « La possibilité de compiler et de géo-référencer des connaissances locales grâce aux cartes en trois dimensions représente une occasion unique pour les populations locales de faire entendre leur voix lors des décisions en matière de gestion durable de leurs ressources. »

Le processus de modélisation participative en trois dimensions rapproche des communautés et des générations. Il les aide à visualiser l’étendue de leurs ressources et la façon dont le changement climatique et d’autres, menaces - l’extraction minière, la déforestation, par exemple - peuvent les impacter. Une fois terminée, la maquette reste dans la communauté et devient un outil de référence utile à tous ses membres.

Des études de cas menées en Éthiopie, aux Fidji et à Madagascar montrent comment la MP3D a permis le développement de plans de gestion des ressources naturelles par la communauté. D’autres exemples décrits dans la publication montrent comment cette technique permet aux communautés rurales marginalisées de faire entendre leur voix. En République démocratique du Congo, la communauté pygmée Bambuti-Batwa s’est servie d’un exercice de MP3D pour mener des négociations avec les autorités après leur expulsion du territoire qu’ils occupent depuis des générations. La cartographie en trois dimensions a aussi permis à une tribu de chasseurs-cueilleurs au Kenya, les Ogiek, de documenter ses droits territoriaux ancestraux et ses systèmes de connaissances traditionnels. Tandis qu’à Tobago, une île des Caraïbes qui a subi des épisodes climatologiques extrêmes, la MP3D a servi à orienter les stratégies communautaires de prévention des catastrophes naturelles.

Depuis quelques années, la coopération Sud-Sud contribue à mieux faire connaître la pratique de la modélisation participative en trois dimensions et le CTA encourage les efforts de collaboration en matière de formation et de facilitation déployés par les îles des Caraïbes et du Pacifique, ainsi que par de nombreux pays africains.

« La modélisation participative en 3D s’est révélée efficace pour révéler les connaissances de nombreuses personnes – connaissances dont beaucoup n’avaient pas conscience – et pour agréger des points de vue individuels au sein d’une représentation partagée, visible et tangible. », déclare Giacomo Rambaldi, coordinateur de programme sénior au CTA. Et d’ajouter : « Cet outil permet aux villageois de nouer un dialogue d’égal à égal avec les autorités. Ce qui n’est pas la moindre des choses ! »


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